10 questions pour une interview
Je suis franco-britannique. Né à Avignon à la fin de la guerre, j’ai passé mon adolescence à Nice. Puis je suis « monté », comme on dit, à Paris. J’ai aussi voyagé. Beaucoup.
J’ai longtemps été fasciné par les voyages au long cours et j’ai eu la chance d’en faire de très nombreux et, souvent, dans des endroits incroyables : en Amazonie, bien sûr, mais aussi auprès des Shilluks, sur la rive ouest du Nil blanc, à la frontière de la Libye et du Tchad, pays alors en guerre, sur une plate-forme de forage en Mer du Nord, ou encore dans la vallée du Tigre et de l’Euphrate, au temps où Saddam Hussein massait ses troupes afin d’envahir l’Iran. J’ai même travaillé un temps pour le Protocole de la cour du roi d’Arabie Saoudite !
Et puis, avec le temps, cela m’a passé, même s’il reste gravé en moi quelques rencontres inoubliables. Un sorcier au nord Cameroun qui vivait dans un baobab, par exemple : il avait fait Sciences Po et remplacé son père, lui aussi sorcier, qui venait de décéder !!!
Aujourd’hui, bien loin de tous ces voyages exotiques, je suis devenu un homme profondément urbain, fasciné par les métropoles : Paris, avant tout, mais aussi New York ou Rio.
À côté d’une vie familiale et amicale bien remplie, je suis pleinement concentré sur mon métier d’écrivain. Après avoir vécu au Brésil et m’y être marié, j’habite aujourd’hui Athènes où j’ai pu assouvir pleinement ma passion pour l’écriture.
En fait, depuis l’âge de vingt ans, la conviction qu’un jour j’écrirai ne m’a jamais quitté.
Auparavant, je lisais. Beaucoup. C’était mon grand-père paternel qui m’en avait donné le goût. Il faut dire qu’il avait été élevé par Frédéric Mistral, le célèbre poète provençal !
C’est lui qui a déposé en moi chaque soir, goutte après goutte, le venin de la lecture.
Dans toute vocation, il y a une part d’hérédité. Plusieurs de mes proches étaient des personnages de roman :
Du côté maternel, deux grands-parents membres des services secrets britanniques, le MI6. Le grand-père ayant disparu sans laisser de trace (il réapparaîtra après sa mort sous la forme d’une cassette sonore qui constituera son unique testament), la grand-mère se remaria avec l’architecte de Clemenceau qui lui offrit une vie de château.
Du côté paternel, c’était la famille Médecin, maires de Nice de père en fils, et les affaires que l’on sait
J’ai publié mon premier roman à soixante-huit ans. On pourrait parler de vocation tardive. Parler d’une vocation contrariée serait plus exact. Je dirai même que c’est cette vocation, longtemps étouffée par les nécessités d’une vie professionnelle agitée et plutôt subie que véritablement choisie, qui a façonné mon existence.
D’abord, les incontournables : Balzac, Flaubert, Dostoïevski, Tolstoï, Conrad, Mann, Machado de Assis, Faulkner, Céline, Camus, Simenon, Beckett, Garcia Marquez. Ils continuent à veiller sur moi : ce sont mes anges gardiens.
Mais aussi , depuis quelques années, la littérature américaine contemporaine : John Fante, Jim Harrison, Cormac Mac Carthy, Don Winslow. Russel Banks.
Tout écrivain, que ce soit conscient ou non, transmet sa vision du monde au travers des histoires qu’il raconte et de la vie de ses personnages, de leur comportement, de leur engagement et donc de leur destin.
Les destins individuels, ceux de personnes emportées par l’Histoire (qui souvent les dépasse), leur génie, leur courage ou, au contraire, leur lâcheté, me fascinent.
Je dois cependant préciser que j’ai de fortes réticences concernant les convictions et partage totalement l’avis de Nietzsche qui disait que l’ennemi de la vérité ce n’est pas le mensonge, ce sont les convictions.
En effet, l’homme souhaite un monde où le Bien et le Mal soient nettement discernables, car est en lui le désir, inné et indomptable, de juger avant de comprendre. Sur ce désir sont fondées les religions et les idéologies qui exigent que quelqu’un ait toujours raison et rendent impossible de comprendre la relativité essentielle des choses humaines.
Je pense que l’homme doit se retrouver lui-même et se placer au centre de l’univers. Il est sa propre fin. Le paradis est où je suis dit Voltaire. L’homme est son propre médecin et ne doit compter que sur lui. Les progrès qu’il a accompli, c’est lui et lui seul qui en est responsable.
Il faut adopter une méthode identique à celle du Quattrocento italien et à celle des Lumières quand les philosophes ont tout remis en question. Il faut replacer l’homme au centre de l’univers et ne pas prétexter de sa petitesse dans l’infini spatial pour le détourner vers des projets fumeux ou dangereux.
Il faut retrouver une morale laïque, généreuse, mondialiste à l’opposé de la morale marchande qui est égoïste, égocentrique et du nationalisme des imbéciles.
Plus que jamais, il convient de combattre les faux semblants aujourd’hui dressés de toutes parts.
Dans raconter, il y a conte. Mes romans sont des contes, mais des contes réalistes. Une intrigue forte, soigneusement documentée, une écriture très visuelle et des chapitres courts emportent le lecteur loin de son quotidien et, parfois, le conduisent à réfléchir sans pour autant l’ennuyer.
Le roman n’examine pas la réalité de l’existence. Il ne montre ni ne démontre le monde : il lui ajoute quelque chose. Il est créateur de réalité. Il exagère. Il ajoute. Il élargit.
Mon univers d’écrivain est caractéristique à deux niveaux :
– Tout d’abord en ce qui concerne les lieux où se déroule l’essentiel de l’action de mes romans : Paris (et plus particulièrement le triangle Montmartre/Pigalle/Barbès) et le Brésil (Rio de Janeiro, le Nordeste et l’Amazonie).
– Ensuite, sur le plan de l’écriture : elle est délibérément cinématographique et laisse au lecteur le soin de découvrir par lui-même la psychologie des personnages.
Au total, il s’agit bien sûr d’un univers plutôt masculin, mais on sait qu’aujourd’hui les lecteurs, même quand il s’agit de romans policiers, sont en majorité des lectrices !!!
Je souhaite fidéliser mes lecteurs et, avoir avec eux des rapports non pas d’amitié, mais de complicité. Je suis prêt à dialoguer avec eux, à écouter leurs suggestions et critiques et y répondre. Ils sont mes premiers juges.
Les techniques modernes de communication (réseaux sociaux, blogs, etc…) permettent aujourd’hui à un écrivain de rencontrer son lecteur où qu’il se trouve et d’échanger avec lui.
Avec Paris, la découverte du Brésil fut le grand choc de ma vie.
Ce pays, immense, fascinant, mal connu et où se joue une partie de l’avenir écologique de la planète, je l’ai découvert, il y a longtemps : en 1968.
Hasard de l’existence, dans le cadre du programme d’études de mon école de commerce, je devais faire un stage d’entreprise à l’étranger. Tout juste arrivé à Rio, à 24 ans, me voilà aussitôt embarqué dans un petit monomoteur qui devait se poser, pour faire le plein, entre d’énormes poids lourds sur l’immense route qui relie, sur près de 3500 kilomètres, le sud au nord du pays !
Cet épisode de ma vie restera à jamais gravé dans ma mémoire : je vivais une aventure que je n’avais jusqu’alors fait qu’imaginer au travers des livres de Conrad ou de Kessel !
Ce lien avec le Brésil ne s’est jamais distendu depuis, au contraire, au point que je me suis marié avec une carioca, une habitante Rio, ville où j’ai ensuite vécu plusieurs années.
Plus tard, lorsque j’ai choisi de consacrer une partie de ma vie à l’écriture, j’ai senti la nécessité irrépressible de raconter des histoires qui auraient pour cadre ce pays.
Profondément choqué par le massacre d’une vingtaine d’enfants dans une favela de Rio tenue par des bandes armées contre lequel il n’a rien pu faire, un capitaine des forces spéciales de la police décide de mettre son savoir-faire au service de la défense d’une tribu indienne de la région du Haut Tapajós, un affluent de l’Amazone, dont était originaire son père : les Mundurukus.
Menacés de toutes parts par les chercheurs d’or, les multinationales minières ainsi que par les projets de construction de gigantesques barrages, ces derniers risquent de voir leur territoire entier disparaître. Dans leur combat, ils pourront aussi compter sur le soutien d’un missionnaire, qui tient un bar et un bordel, et sur celui d’un professionnel aguerri qui ne recule devant rien : un ancien agent de la CIA qui a tourné casaque.
Roman d’aventures contemporain,
Munduruku
pose le problème très actuel de la survie des populations autochtones et celui de la destruction de la forêt amazonienne, véritable poumon du monde.
Munduruku
s’inscrit dans une série de romans qui se déroulent au Brésil et que j’ai intitulé Tropiques de feu. Il s’agit de fictions indépendantes les unes des autres mais néanmoins liées subrepticement par les destins croisés de certains personnages.
En plus de
Munduruku
, ces romans sont pour l’instant au nombre de deux :
La Guerre de l’once et du serpent.
Édité chez Encre Rouge en même temps que Munduruku, ce roman est conçu comme un véritable western façon Sergio Leone et se déroule sur les terres arides qui bordent les rives du Rio São Francisco, où ne poussent guère que légendes et superstitions. Dans un contexte historique exceptionnel (nous sommes à la veille du déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale), il oppose deux hommes qui, comme dans toute tragédie, incarnent deux visions du monde radicalement opposées : un étranger, nazi de surcroît, et un capitaine de la police militaire.
Ne manque au récit que la musique d’Ennio Morricone…