Extrait “Bien plus qu’une promenade”

Extrait du 1er chapitre

Cette ville est un peu comme ces élégantes que l’on retrouve sur les aquarelles peintes par les frères Trachel qui arpentaient, au début du XIXe siècle, la promenade des Anglais, ou telles que les décrit Alexandre Dumas, « population à ombrelles, à voiles et à brodequins verts » : à force d’apercevoir tous les jours leurs silhouettes élancées, on croyait connaître ces belles inconnues. Certains les disaient princesses. D’autres, aventurières ou demi-mondaines, comme le Belle Otero ou celles que l’on peut retrouver dans le roman de Jean Lorrain Le Poison de la Riviera, mais, en vérité, on ignorait tout d’elles.

Ce n’est pas que Nissa la bella, cultive le mystère. Au contraire, la ville adore s’exhiber : elle a servi de cadre à d’innombrables films (tournés dans les studios de La Victorine ou dans la région) et s’étale souvent dans la presse en raison de multiples faits divers romanesques : casse du siècle d’Albert Spaggiari, affaire Médecin, mystère de la disparition de l’héritière du Palais de La Méditerranée (affaire Le Roux), relation supposée de certains juges avec la franc-maçonnerie locale et la mafia calabraise. Plus grave est l’attentat meurtrier du 14 Juillet 2016 sur la promenade des Anglais, qui a laissé destraces profondes dans la ville, attentat à propos duquel le niçois J-M G Le Clézio, prix Nobel de littérature, a pu écrire : « Que soit maudit l’assassin qui a ouvert cette blessure dans cette ville ».  

« Dire qu’on est de Nice c’est comme exhiber son casier judiciaire » affirme, un brin provocateur, Joann Sfar, niçois lui aussi, auteur de BD, illustrateur, romancier et réalisateur qui vit à Paris mais oublie de préciser que la ville n’est cependant pas le théâtre de règlements de compte à la kalachnikov, comme on peut le voir dans les quartiers nord de Marseille.

À la vérité, Nice cache, sous une image parfois contrastée, une personnalité forte, originale et attachante, beaucoup moins superficielle qu’il n’y paraît. « C’est Cosmopolis s’il en fut jamais en Europe » disait Nietzsche qui y séjourna cinq fois, de décembre 1883 à avril 1888.  

Aujourd’hui, Nice est méconnaissable, mais son passé, riche et tumultueux, affleure partout.

C’est ce mélange unique en son genre, et qui fait l’âme de cette ville, que ce petit ouvrage a l’ambition de décoder.